Chevreuil.net - Le site de référence pour le plein air au Québec




Suivre tous les blogues de Chevreuil.net

La gestion de votre territoire de chasse

En 2016 nous ne pouvons pas parler de chasse aux chevreuils sans parler de gestion. Les premières fois que j'ai entendu parler de gestion QDM, j'ai eu la réaction suivante « encore une idée des américains pour récolter des trophées ».

J'avoue que j'étais septique, mais après plusieurs heures de lecture d'articles dans diverses revues, livres, le site chevreuil.net, ainsi que visionnement de DVD et soirées de formation, grâce à des gars comme Louis Gagnon et Luc Brodeur qui m'ont fait connaitre cette gestion et cette mentalité aujourd'hui je ne peux que les remercier d'avoir partagé avec nous cette philosophie.

Si on recule de quelques décennies, les cheptels de chevreuil étaient à un niveau très bas au Québec et au États-Unis. Pour aider à accroître le nombre de chevreuils, la Loi du mâle fut instaurée. Aucun prélèvement de Cerf sans bois et un minimum de 7 cm pour les bois du mâle constituaient les règles de la récolte. Après plusieurs années à appliquer cette gestion, ici et aux États-Unis, les cheptels de chevreuil se sont mis à augmenter de façon graduelle et cela fut accueilli avec joie par les chasseurs qui, quelques années auparavant, réussissait difficilement à prélever leur chevreuil.

Après plusieurs années à appliquer ce même règlement un problème commençait à jaillir soit une explosion des cheptels. On continuait de prélever que des mâles ce qui amena comme résultat un débalancement du ratio mâle femelle presque partout au Québec. Par contre, dans certains états, nos voisins du sud ont vu venir le problème et on agit avant que les cheptels soient trop débalancés. Ils ont autorisé le prélèvement de femelles et ont éduqué leurs chasseurs à mieux gérer leur territoire de façon à ce que le ratio mâle femelle soit plus équilibré, c'est-à-dire, environ un mâle pour une ou deux femelles dans un habitat qui n'aurait jamais connu une pression de chasse. Rappelez-vous ici au Québec, lors de l'ouverture d'une nouvelle zone qui n'a jamais été chassée à l'arme à feu (ex : zone 7 et la zone 8 EST) les mâles matures étaient présents en quantité et de beaux bucks y étaient récoltés lors des premières années.

Un cheptel débalancé en faveur des femelles est un cheptel que je qualifierais de « malade ». Je m'explique. S'il est débalancé, plusieurs anomalies apparaissent. Des mâles d'un an et demi qui s'accouplent, des femelles qui tombent en chaleur une deuxième fois puisqu'il n'y a pas assez de mâles pour les féconder lors du premier rut ce qui cause des naissances de faons tardives. Ces faons que l'on voit en septembre, tout petit avec encore leurs picots blancs. Ces faons qui sont nés plus tard n'ont pas eu la meilleure qualité de nourriture disponible en juin et il resteront plus petit, plus faible et souvent, ce sont eux que nous trouverons morts à l'hiver, trop faibles pour passer au travers de leur premier hiver. Et ce, c'est sans compter le nombre de femelles qui n'auront pas été fécondées dû au manque de mâle disponible sur leur territoire. D'ailleurs, des femelles matures refusent souvent d'être accouplées par de jeunes mâles. La nature est ainsi faite pour assurer une bonne génétique. On entend souvent l'expression de « femelles stériles » depuis quelques années. Il faudrait plutôt envisager l'idée du manque de mâles pour servir ces dames.  





C'est sensiblement avec ces préoccupations qu'est née le QDM aux États-Unis. Pendant ce temps, ici au Québec, pardonnez-moi l'expression, on dormait au gaz en appliquant encore la loi du mâle en continuant de débalancer nos cheptels. Si je ne me trompe pas, ce n'est que vers la fin des années 80 ou début 90 que les premiers permis de femelle commençaient à voir le jour, par tirage au sort et en quantité très limitée. Pendant ce temps, le nombre de cerf monte en flèche toujours avec un débalancement du ratio. Commence alors des moyens de pression qui sont faites au ministère pour réduire les cheptels dans quelques zones où l'agriculture est très présente et où l'on comptait beaucoup d'accidents de voiture impliquant des chevreuils. Résultat, une multitude de permis spéciaux sont devenus disponibles tels que les permis pour double abattages, permis pour propriétaire foncier etc. pour faire baisser ainsi le nombre de chevreuil au Km carré. Le prélèvement intensif de chevreuils sans bois, femelles, faons et ce, sans aucune protection pour les jeunes mâles a eu pour résultat que la qualité ainsi que la quantité des cerfs qui peuplent les cheptels de ces zones s'est détériorée de façon déplorable. 

Je chasse une de ces zones et je vis avec ces conséquences. J'ai vite compris qu'il fallait que je gère moi-même mes territoires de chasse car malheureusement mon gouvernement n'a pas du tout le même objectif que moi et de celui de la plupart des chasseurs québécois.

Gérer soi-même le cheptel est plutôt simple, je vous résume ce que j'applique sur mon territoire.
  • Premièrement, la règle la plus importante est que je ne récolte jamais de buck d'un an et demi et de faon mâle.
     
  • J'essaie d'avoir le meilleur recensement possible des cerfs qui occupent mes territoires
     
  • J'essaie de faire le décompte du nombre de femelles qui vivent sur mes territoires, moins évident que pour les mâles mais à l'aide de l'ordinateur, on peut agrandir les photos pour reconnaitre un détail (exemple : une tache blanche à un endroit spécifique, cicatrice, signe particulier, femelle seule, femelle avec un faon, et femelle avec 2 faons etc.).
     
A la fin de l'été j'ai un bon aperçu des cerfs qui utilisent mon territoire. C'est ce qui va me permettre de faire mon choix de récolte. Évidemment je rêve de récolter un Buck mature chaque saison mais malheureusement, ce n'est pas ma réalité. Avant de rêver a un buck mature, je dois d'abord avoir des mâles sur mes territoires et en connaitre leur âges. C'est lors de mes prospection d'après chasse et du printemps que je vais pouvoir savoir si des mâles sont présents sur mes territoires. Ils me laisseront des signes (frottages, grattages) plus j'en trouverai et meilleures seront mes chances de voir des mâles, tout âge confondu. Des signes peuvent me laisser des indices sur la taille du buck qui a frotté un arbre, ex : la hauteur du frottage, le diamètre de l'arbre, marques du panache sur l'arbre, etc.
Pour la suite, ce sont mes caméras qui vont faire le reste du travail. J'installe des caméras à mes salines et sur différents sentiers pour avoir le maximum d'informations sur l'utilisation du territoire par les chevreuils et cela contribue à faire mon recensement.

Je classe toutes mes photos et des fichiers sont créés (ex : salines). Chaque mois a son fichier et les trails ou j'ai installé des caméras sont répertoriées (ex : trail coin du champ). De cette façon, je suis capable d'avoir toute les informations que j'ai besoin pour faire mon recensement.


C'est suite à ce recensement que je vais décider ce que sera ma récolte pour la saison de chasse à venir ainsi je peux faire une récolte qui sera positive et non négative pour mes prochaines années, du moins de ce que je peux contrôler (ex : hiver dur, prédation, braconnage).

La récolte de femelles est importante pour équilibrer le cheptel c'est le recensement qui dictera le nombre de femelles qui peuvent être récoltées. L'option de récolter une femelle sans faon peut avoir une mauvaise perception chez certains mais je préfère laisser la mère avec ses petits ce qui, selon moi, les aideront pour affronter leur premier hiver.

Pour ce qui en est des mâles, c'est la quantité et l'âge de ceux-ci qui dicteront mon choix. Si plusieurs mâles de différents âges sont présents, j'opterai pour le ou un des plus vieux bucks disponibles. Par contre, si aucun mâle mature est présent (que des mâles de un an et demi ou deux ans et demi) je vais m'abstenir de prélever un de ces mâles et les laisser prendre de l'âge. Comme on dit, j'en serai gagnant dans seulement un an ou deux. Mon choix sera alors de prélever une femelle sans faon.

La zone ou je chasse offre la possibilité du double abattage. Utilisé de la bonne façon, le permis sans bois peut aider à équilibrer mon cheptel. Je m'explique. Sur un de mes territoires, le nombre de chevreuils est respectable mais débalancé en faveur des femelles. Si je sors au tirage du double abattage, je vais tenter de prélever une femelle sans faon durant la période à l'arc. De cette façon, je viens de retirer une femelle et ainsi je contribue à équilibrer le ratio mâle/femelle. J'ai de la bonne viande dans le congélateur et si par la suite je ne peux prélever un mâle mature, ma chasse aura tout de même été couronnée de succès. J'insiste sur la fait que je récolte une femelle sans faon et adulte. Je ne prélève jamais de faon pour une raison simples soit la malchance élevée de prélever un faon mâle. Mon but n'est pas de « remplir mon tag » mais tout simplement de me servir de ce permis pour favoriser une meilleure gestion de mon territoire.

Il est préférable de prélever les femelles durant la saison arc/arbalète pour les raisons suivante, les femelles n'auront pas été accouplées donc les efforts d'un mâle n'auront pas été anéantis. De plus, vous retirez des femelles disponibles pour la période de chasse suivante c'est-à-dire la période du rut. Si moins de femelles sont disponibles sur le territoire, les mâles devront être plus actifs s'ils veulent s'accoupler. Vos chances de les voir durant les heures de chasse seront ainsi augmentées.

Pour terminer il serait impensable pour moi aujourd'hui de chasser le chevreuil sans au préalable pris connaissance des individus qui occupent mon territoire et prélever sans en connaitre les effets secondaires. Je vous invite fortement à commencer à agir sur vos territoires et contribuer à y favoriser une meilleure gestion.


Patrick Bayard



Cela pourrait vous intéresser aussi




Ça vous a échappé ?




@ Infolettre
Votre nom :
Votre courriel :*

Cegep de Baie-Comeau automne 2023