|
Le Code criminel La Loi sur les armes à feu Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat L'honorable Daniel Lang propose que le projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-19, qui prévoit l'abolition du registre des armes d'épaule...
Des voix : Bravo!
Le sénateur Lang : ... et de toutes les données.
Les sénateurs se souviendront peut-être que, lorsque j'avais pris la parole à l'étape de la deuxième lecture, j'avais cité le poète espagnol George Santayana qui avait dit que ceux qui ne tirent pas de leçon de l'histoire sont condamnés à répéter les erreurs du passé. J'ai par la suite expliqué que, il y a 93 ans, le Parlement du Canada avait adopté une loi sur le contrôle des armes à feu obligeant les propriétaires d'armes à feu à obtenir un permis pour toutes leurs armes, qu'il s'agisse d'armes légères, de carabines ou de fusils de chasse. Un an plus tard, cette disposition a été abrogée, honorables sénateurs.
Il est important de noter que le ministre de la Justice de l'époque, Charles Doherty, avait déclaré ce qui suit :
[...] l'on nous a généralement fait observer que la loi existante avait un effet trop rigoureux, qu'elle prête à des abus et cause aux citoyens d'inutiles ennuis.
Nous sommes ici aujourd'hui pour abroger une loi semblable, mais cela nous aura pris 17 ans malgré l'avènement d'Internet.
Honorables sénateurs, nous avons entendu 30 témoins des deux camps. Laissez-moi d'abord vous dire que ces témoignages m'ont permis de mieux comprendre les gens qui ne veulent pas que le registre des armes à feu soit aboli et de prendre conscience de leur sincérité. Ces Canadiens ont très à cœur le contrôle des armes à feu. Des proches de certains témoins ont été tués par balle. D'autres personnes ont parlé de la violence faite aux femmes. Nous avons même entendu les témoignages de personnes qui ont vécu les tragédies qui ont marqué l'École Polytechnique et le Collège Dawson.
Honorables sénateurs, je tiens à donner l'assurance à ces témoins que, après l'élimination du registre des armes d'épaule, le Canada sera toujours doté de l'un des systèmes les plus sévères pour l'obtention d'un permis ainsi que de règles sévères pour l'entreposage et le transport des armes à feu, de manière à protéger le public.
Par ailleurs, plusieurs témoins ont parlé de l'inexactitude des données contenues dans le registre. Pas un seul témoin n'a nié le fait que le registre est rempli d'information peu fiable. Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur quelques exemples ayant trait au système actuel et à l'information contenue dans le registre.
Les sénateurs savent-ils qu'un pistolet à colle figure actuellement dans le registre? Il porte le nom « Mastercraft », avec un numéro de série.
Les sénateurs savent-ils que des milliers et des milliers d'armes à feu portent le même numéro et le même numéro de série dans le registre?
Les sénateurs savent-ils aussi qu'il est de notoriété publique que des millions d'armes d'épaule n'ont jamais été enregistrées?
Par conséquent, honorables sénateurs, non seulement le registre est incomplet, mais c'est une base de données à laquelle on ne peut pas se fier. Nous avons appris au cours de nos audiences que, dans certains cas, il pouvait donner aux policiers de première ligne un faux sentiment de sécurité. Nous avons également appris qu'une vaste majorité des policiers de première ligne sont contre le registre.
Il est important de souligner que les chefs de police du pays divergent d'opinions et ne sont pas tous favorables au registre dans son état actuel. Le chef de la police de Calgary a déclaré ceci :
Je crois que le registre des armes d'épaule donne aux gens mal informés un faux sentiment de sécurité. Il a été trop souvent présenté comme une panacée pour régler tous les problèmes sociaux liés aux armes à feu. En réalité, il est très peu efficace pour protéger la société contre la violence perpétrée avec des armes à feu par les voyous et les criminels dans les rues. Aucun de ces individus ne possède un certificat d'acquisition d'arme à feu, et les armes qu'ils utilisent ne sont jamais enregistrées dans la base de données nationale.
Compte tenu du manque de fiabilité des données et des inexactitudes dont le registre est affligé actuellement, il y a eu des cas où les preuves puisées dans le registre ont été rejetées lors d'une procédure judiciaire. Au cours de nos audiences, un témoin a affirmé ceci :
Sachant ce que je sais à propos du registre, je ne peux pas utiliser l'information qui s'y trouve pour obtenir un mandat de perquisition en faisant une déclaration sous serment. Agir ainsi constituerait une infraction criminelle. Les prévisions du Centre des armes à feu Canada démontrent qu'il faudra environ 70 ans d'attrition pour éliminer toutes les erreurs contenues dans le registre et pour enregistrer toutes les armes à feu au Canada. Ce degré d'imprécision est inacceptable pour toute industrie et encore moins pour les organismes chargés du maintien de l'ordre. Les policiers méritent mieux; la population et les tribunaux exigent mieux.
(1900)
Honorables sénateurs, comment pouvons-nous appuyer le maintien d'un registre aussi inexact et boiteux?
J'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur une autre question importante, qui a été soulevée pendant les séances du comité. Il s'agit du suicide, une tragédie pour n'importe quelle famille. Nous avons entendu des témoignages éloquents, en particulier d'un médecin résident de l'Université McMaster, qui nous a dit que le registre des armes d'épaule n'a aucun effet, immédiat ou à long terme, sur le suicide.
Un autre témoin a déclaré que l'International Coalition for Women in Shooting and Hunting d'Australie a publié une longue liste d'études confirmant l'absence de corrélation entre la mise en œuvre d'une loi sur les armes à feu, en particulier d'un registre sur les armes à feu, et la baisse du nombre d'accidents, d'homicides et de suicides mettant en cause des armes à feu.
Honorables sénateurs, nous devrions aussi examiner ce qui se passe au-delà de nos frontières et nous fonder sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande et de son registre des armes d'épaule, assez semblable au nôtre. En 1983, ce pays a adopté une loi sur les armes à feu mettant fin à l'obligation d'enregistrer la plupart des armes d'épaule. Si j'ai bien compris, le Parlement néo-zélandais a jugé ce registre trop coûteux et inadéquat pour protéger les habitants de ce pays. La nouvelle approche se concentre sur la délivrance de permis plutôt que sur l'enregistrement de la majorité des armes à feu.
Ce qui m'amène à notre système de délivrance de permis d'armes à feu, qui est l'un des plus stricts et méticuleux au monde. Toute personne qui fait la demande d'un permis d'arme d'épaule doit se soumettre à un long processus, qui comprend l'examen de tous les aspects de sa vie privée. D'après mon expérience personnelle, je peux affirmer aux sénateurs qu'il s'agit d'un processus que l'on ne retrouve nulle part ailleurs au gouvernement. Il explore la vie privée des gens plus que dans le cas de n'importe quel autre processus gouvernemental.
Je fais également remarquer aux honorables sénateurs que tout demandeur doit fournir, dans sa demande, le nom de deux personnes capables d'attester de sa moralité. Dans le cadre du processus, le conjoint ou l'ancien conjoint est interviewé. Il faut également suivre un cours de sécurité et réussir un examen avec une note d'au moins 80 p. 100.
À l'issue de ce long processus, le demandeur se voit octroyer un permis de cinq ans. Pour le renouveler, il faut compléter un formulaire de renouvellement, sur lequel l'ancien conjoint ou partenaire du demandeur peut exprimer son opinion.
Je souligne également un détail très important : les exigences relatives à l'entreposage sécuritaire des armes à feu et des munitions sont maintenues. À mon sens, voilà qui contribue énormément à la sécurité de tous ceux qui manient des armes à feu.
Durant nos audiences, nous avons accueilli un certain nombre de témoins qui ont vanté la qualité de notre processus d'émission de permis. Un témoin a même décrit ce système dans les termes suivants :
Je suis d'accord pour dire que les exigences relatives aux permis sont très strictes et tout à fait louables.
Bien que ce témoin-là n'ait pas partagé notre opinion à propos du registre lui-même, il est important de signaler que la quasi-totalité des témoins s'est dite en faveur du système de délivrance de permis.
Un autre témoin a abordé cette même question. Elle a dit ceci :
Le système de délivrance de permis au Canada est l'élément de notre système que j'applaudis; il constitue également la grande différence entre le Canada et les États-Unis.
Honorables sénateurs, la législation en matière d'armes à feu au Canada et aux États-Unis ne peut se comparer. C'est moi qui vous le dis : nous sommes très chanceux d'être Canadiens.
J'aimerais ramener le débat à la région du Canada que je représente, le Yukon. Le projet de loi est fort important pour moi et pour la majorité des Yukonnais, notamment parce que nous avons toujours trouvé que le registre des armes d'épaule constitue une atteinte à la vie privée. En effet, nous, Canadiens, avons été criminalisés, obligés de démontrer que l'État est dans le tort.
J'aimerais aussi citer Linda Thom, médaillée d'or olympique, qui a comparu devant le comité. Plusieurs de sénateurs la connaissent probablement. Elle a dit ceci :
[...] on m'accorde moins de droits qu'à un criminel. Les mesures prévues par le projet de loi C-68 permettent à la police d'entrer chez moi à tout moment sans mandat de perquisition sous prétexte que je suis propriétaire d'armes à feu enregistrées, alors que ces mêmes policiers doivent être munis d'un tel mandat pour pouvoir entrer chez un criminel. Je ne suis pas en train de dire que les criminels ne devraient pas avoir ce droit — ils le devraient. Ce que je prétends c'est que ce droit doit être rétabli pour moi et tous les autres Canadiens possédant des armes à feu.
Honorables sénateurs, on a dit qu'à son arrivée à Ottawa, l'ancien ministre de la Justice, Allan Rock, considérait que seuls les policiers et les militaires devaient avoir le droit de posséder des armes à feu. Voilà justement le genre d'attitude erronée qui a mené au fiasco du registre des armes d'épaule. Cela démontre une incompréhension fondamentale de notre pays — non seulement de la culture des propriétaires d'armes à feu, mais aussi de la criminalité et des mesures de prévention.
Ceux d'entre nous qui habitent dans des régions éloignées du Nord ont perçu, comme je l'ai dit plus tôt, que le registre des armes d'épaule était discriminatoire pour tous les habitants du Nord, autochtones ou non. Pour nous, l'arme d'épaule est un outil de travail nécessaire, un peu comme le tracteur l'est pour l'agriculteur qui doit labourer son champ. Le débat sur le registre des armes d'épaule fait donc partie du discours politique au Yukon depuis 17 ans.
Honorables sénateurs, ce registre a coûté très cher. Les Canadiens ne sont pas plus en sécurité grâce à lui. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons un des systèmes de permis les plus efficaces du monde. Je pense que tous les sénateurs conviendraient que nous devons continuer à prendre des mesures pour que les armes à feu ne se retrouvent pas entre les mains des mauvaises personnes. C'est ce à quoi sert notre système de permis. Toutefois, il a été prouvé que le registre ne fait rien en ce sens.
Honorables sénateurs, la question de la suppression simultanée de la base de données informatisée et du registre des armes d'épaule a été soulevée au cours du débat et figure dans le projet de loi. Il est clair que le registre des armes d'épaule et la base de données sont une seule et même chose et le tout doit être supprimé si nous nous débarrassons du registre des armes d'épaule. Je veux qu'on comprenne bien que les renseignements personnels privés versés dans ce registre et fournis par des particuliers canadiens ne devraient pas être conservés ni transmis à un autre ordre de gouvernement.
Honorables sénateurs, la question la plus importante que nous devons nous poser maintenant que nous débattons cette mesure législative est la suivante : a-t-on démontré que le registre avait sauvé des vies au cours des 17 dernières années? Je crois pouvoir affirmer sans me tromper, à en juger par les témoignages que nous avons entendus et ceux qui ont été livrés à l'autre endroit, qu'il n'existe aucune preuve concluante pour étayer cette allégation.
Cette constatation nous amène à nous interroger sur l'utilité pratique du registre et sur son coût. C'est la question sur laquelle nous seront appelés à nous prononcer cette semaine. Nous avons plusieurs fois entendu dire que les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu. Permettez-moi de citer le chef de police de Calgary qui a décrit le registre des armes d'épaule. Voici ce qu'il a dit :
Il s'agit du plus important répertoire de personnes honnêtes au pays. Il n'y a aucun doute là-dessus. Les seules personnes qui choisissent d'enregistrer leurs armes d'épaule sont des gens parfaitement honnêtes, qui ne sont impliqués dans aucune activité criminelle. C'est aussi simple que cela.
(1910)
J'espère que les sénateurs des deux côtés vont voter en faveur du projet de loi C-19. Il est temps d'éliminer le registre des armes d'épaule.
(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Hervieux- Payette, le débat est ajourné.)
[Français]
Avis de motion d'attribution de temps pour le débat L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, le leader adjoint de l'opposition et moi avons tenté d'en venir à une entente afin de déterminer une période de temps à consacrer au débat à l'étape de la troisième lecture sur ce projet de loi, ce que nous ne sommes pas parvenus à faire. Je comprends que, ce soir, le sénateur qui devait répondre au projet de loi C-19 pour l'opposition ne peut malheureusement, semble-t-il, prendre la parole.
Donc, honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la troisième lecture du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu;
Que, lorsque les délibérations seront terminées et que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour terminer l'étude à l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi;
Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit tenu conformément à l'article 39(4) du Règlement.
|