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La maladie débilitante chronique des cervidés (MDC), (Chronic Wasting Disease)

Pourquoi faut-il s’intéresser à la maladie débilitante chronique des cervidés ?

Même si récemment encore, les cas de MDC n’étaient rapportés qu’au centre de l’Amérique du Nord, l'épidémie s'étend maintenant lentement à l’ouest et à l’est de cette région (figure 1). L'expansion de la maladie inquiète de plus en plus les spécialistes, dont plusieurs affirment que la MDC est le principal problème sanitaire qui menace la faune sauvage nord-américaine. De plus, même s’il n’existe aucune preuve scientifique formelle que la MDC puisse se transmettre à l’humain, la prudence est quand même de mise puisqu’on n’est pas encore certain que la « barrière » des espèces soit vraiment infranchissable ! D’ailleurs, l’annonce de la mort de trois chasseurs consécutive à une encéphalite de type Creutzfeldt-Jacob dans une région où plusieurs cas de MDC avaient été diagnostiqués a récemment fait monter d’un cran les inquiétudes. Finalement, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a déjà fait abattre plus de 10 000 wapitis, cerfs, bisons et bovins par mesure de précaution et le gouvernement fédéral a versé à ce jour plus de 100 millions de dollars en indemnisation. Il s’agit donc d’un dossier à suivre de près comme citoyen, chasseur et payeur de taxes !

Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST).

Les EST, dont fait partie la MDC (tableau 1) entraînent la dégénérescence chronique du cerveau et se termine toujours par la mort des individus atteints. On les dit « spongiformes » parce qu’à l’autopsie, le cerveau est plein de trous et ressemble à une éponge.  


 

EST animales  

EST humaines  

Maladie de la vache folle   Kuru  
Tremblante du mouton   Creutzfeld-Jakob  
Maladie débilitante chronique des cervidés   Syndrome Gertsmann-Sträussler-Scheinker  
Encéphalopathie spongiforme féline   Insomnie familiale fatale  
Encéphalopathie transmissible du vison    

Tableau 1 : Principales encéphalopathies spongiformes animales et humaines

 

Même si certains chercheurs pensent que des virus ou des bactéries pourraient être impliqués dans les EST, la plupart s’entendent pour dire que c’est un prion « altéré » qui est responsable de l’apparition de ces maladies. Les prions sont des protéines que l'on retrouve normalement en grande quantité dans le cerveau des mammifères et des oiseaux en bonne santé. Même si on ne connaît pas encore le rôle précis de ces protéines, on sait qu’elles sont rapidement et continuellement détruites et remplacées. Chez les malades, certains prions auraient acquis une forme tridimensionnelle anormale qui les empêcheraient d’être détruites et leur donnerait la capacité d’altérer la forme des prions normaux environnants. Tous ces nouveaux prions anormaux s’accumuleraient alors inexorablement dans le cerveau du malade et feraient éclater les cellules nerveuses causant les trous caractéristiques observés à l’autopsie.  Il s’agit donc d’une famille de maladies complètement différente de ce que l’on connaissait jusqu’à maintenant et pour laquelle il n’existe encore ni traitement, ni vaccin.

 

La maladie débilitante chronique des cervidés (MDC).

Pour le moment, la MDC touche le cerf de Virginie, le cerf mulet, le cerf à queue noir et le wapiti. Après 18 à 36 mois d'incubation, la santé des animaux atteints commence à se détériorer. Ils meurent généralement entre 1 à 6 mois après l’apparition des premiers signes cliniques. Les malades maigrissent, ont très mauvais poil, tremblent et marchent en titubant. Ils salivent abondamment  et avalent difficilement leur nourriture. Ils ont très soif (mangent de la neige) et urinent beaucoup. À cause de leur mauvais état de santé général, ils attrapent souvent des pneumonies ou d’autres maladies infectieuses. Il n'existe pas encore de test commercial de dépistage de la maladie chez des sujets vivants mais une compagnie américaine vient d’annoncer (décembre 2003) la mise en marché prochaine d’un test fiable à partir de prises de sang. Pour encore un certain temps, seul l’autopsie et l’examen du cerveau permettent de poser le diagnostic final.

Bien que plusieurs spécialistes pensent que la maladie existe depuis très longtemps en Amérique du Nord, ce n’est qu’en 1967 que le premier cas de MDC a été formellement diagnostiqué au Colorado chez des cerfs gardés en captivité. Par la suite, la maladie a été rapportée dans plusieurs états américains et dans deux provinces canadiennes (figure 1) chez des cerfs et des wapitis en captivité ou sauvages. Depuis 1996, la MDC a été diagnostiquée dans 40 élevages de la Saskatchewan et dans deux fermes de l’Alberta. Huit cas de MDC ont aussi été rapportés chez des cerfs mulets sauvages de la Saskatchewan.

 

Figure 1 : États américains et provinces canadiennes où des cas MDC ont été

diagnostiqués (tiré de Chronic Wasting Disease Alliance 2003)

 

 

Bien qu’on ne connaisse pas encore exactement le mode de transmission de la MDC, il semble que même si dans certains cas, une biche puisse infecter ses faons durant la gestation (contamination verticale), c’est la transmission horizontale (contact entre animaux sans lien de parenté) qui est la forme la plus fréquente de contamination. En effet, les études épidémiologiques montrent que la plupart du temps, les animaux malades dans un même élevage ou dans une même région n’ont pas de lien de parenté. On sait aussi maintenant que des cerfs d'élevage peuvent transmettre la maladie à des cerfs sauvages, et vice versa, par de simples contacts nasaux à travers les clôtures des enclos. De plus, il est prouvé que des cervidés sains placés dans des enclos vides, mais où avaient séjourné des animaux malades, ont à leur tour contracté la MDC. Pour le moment, les experts croient que les animaux se contaminent au contact de matières fécales, d'urine ou d’écoulement nasaux contenant des prions anormaux. On sait aussi que les prions résistent à la plupart des méthodes de désinfection connues (chaleur, désinfectants, etc.)

Une bonne nouvelle : si la barrière des espèces peut être franchie expérimentalement, sur le terrain, la transmission naturelle inter-espèce semblerait extrêmement rare. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne d’ailleurs qu’il n'a jamais été prouvé hors de tout doute que la MDC puisse se transmettre aux humains comme c’est le cas pour la maladie de la vache folle, qui a fait jusqu’à maintenant près de 150 victimes en Angleterre seulement. Par prudence, il est conseillé aux chasseurs de ne pas garder la viande d’un animal atteint et de ne pas consommer les tissus nerveux et lymphatique des cervidés sauvages récoltés, même en dehors des zones où sévit l’épidémie.

Autre bonne nouvelle : durant la saison de chasse 2002-2003, plus de 90 000 échantillons de cerveau de cervidés sauvages provenant de 39 états américains ont été soumis pour analyse. Seulement  302 étaient positifs, soit moins de 0,004% des échantillons. De plus, aucun nouveau foyer de la maladie n’a été découvert lors de cette enquête. Malheureusement, les résultats préliminaires de la saison de chasse 2003 semblent moins encourageants !

En terminant, il est intéressant de mentionner que plusieurs spécialistes de la faune pensent maintenant que la disparition du loup des plaines américaines a permis à la maladie de prendre l’expansion qu’elle connaît aujourd’hui. Le loup est en effet un prédateur qui se spécialise dans la « chasse à courre » des cervidés malades contrairement au couguar ou à l’homme,  qui eux chassent généralement à l’affût et peuvent ainsi tuer des animaux adultes sains. D’après ces chercheurs, la prédation par les loups des cerfs atteints de MCD permettrait d’éliminer ceux-ci à peu de frais dès l’apparition des premiers signes nerveux qui diminuent la capacité de fuite à la course des animaux malades. Ces spécialistes suggèrent donc de réintroduire le loup dans les régions où l’épidémie fait rage afin de limiter les risques de contagion à l’ensemble du cheptel sauvage. Évidemment, les éleveurs de bétail de ces régions et certaines associations de chasseurs s’opposent vigoureusement à ces projets de réintroduction du loup en disant que le remède proposé serait pire que le mal ! Belles « discussions » en perspective, à suivre !

Quelques références en ligne :  

 

Denis Harvey, médecin vétérinaire


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