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L’AGRILE DU FRÊNE Transformer une problématique en opportunité

Note : T2 Environnement publie, dans le magazine Bâti Vert, un article qui propose deux exemples concrets d'approches proactives en réaction aux ravages causés par l'agrile du frêne.


Rédacteurs : MM. DANIEL TARTE ET HUGO THIBAUDEAU ROBITAILLE, BIOLOGISTES

Au Canada, l'agrile du frêne a été décelé pour la première fois à Windsor en Ontario en 2002. Cet insecte originaire d'Asie serait arrivé en Amérique du Nord par le transport maritime1. Il a depuis tué des millions de frênes dans le nord-est des États-Unis, en Ontario et au Québec.

Le stade de vie larvaire de l'agrile du frêne explique pourquoi cet insecte prolifique est si dommageable pour les frênes. Au cours de l'été, la femelle pond ses œufs sur ou sous l'écorce des frênes. Quelques jours plus tard, les larves éclosent puis forent un trou jusque sous l'écorce où elles creusent des galeries sinueuses qui empêchent la circulation de la sève, de l'eau et des minéraux dans l'arbre. Les arbres sévèrement affectés meurent en quelques années seulement. L'émergence des adultes se fait au cours de l'été suivant et ceux-ci s'alimentent de feuilles de frêne. L'infestation débute à la cime de l'arbre pour rapidement se propager au tronc principal. L'apparition de nombreuses branches mortes à l'intérieur de la cime est un signe que l'arbre est probablement infesté. La propagation de cet insecte se fait de manière naturelle par le vol, mais les adultes demeurent généralement à proximité de l'endroit où ils ont émergé2. En revanche, le transport du bois de chauffage constitue un des modes de propagation qui a permis à l'insecte de se répandre sur de grandes distances en peu de temps et d'être présent dans plusieurs régions du Québec dont la Montérégie, Montréal, Laval et en Outaouais.

CONSÉQUENCES SUR NOS MILIEUX DE VIE

En milieu urbain et périurbain, les ravages causés par l'infestation de cet insecte consti tuent un enjeu environnemental et sociétal signifi catif à bien des égards. En effet, les frênes représentent une part importante du patrimoine arborescent des villes et des villages du Québec. À titre d'exemple, les frênes représentent environ 22 % des arbres municipaux  du secteur de Limoilou à Québec3. La mort massive de frênes, souvent plantés le long des rues et dans les parcs, conduira à une modification drastique du paysage urbain. Cette modification sera d'autant plus importante si le frêne a été planté comme seule espèce sur une rue entière et même, dans certain s cas, un quadrilatère entier. La perte de canopée urbaine réduira également la qualité de l'air et favorisera les îlots de chaleur. En milieu naturel, la perte de la canopée dans les frênaies peut conduire à une réduction significative de la biodiversité. En effet, plusieurs espèces exotiques envahissantes, dont l'anthris que des bois et le phragmite commun sont limi tées par la quantité de lumière disponible au sol. Celles-ci envahiront le sous-bois des frênaies fortement affectées par l'agrile si elles sont présentes au pourtour de ces dernières, car plus de lumière sera disponible dans le sous-bois. Cette invasion difficilement réversible réduira de façon importante la biodiversité des sous-bois. Également, de par leur écologie, les frênes sont bien présents le long des talus de rivières et cours d'eau. Entre autres, la mort de frênes peut compromettre la stabilité des talus, car les racines de ces derniers ne retiendront plus le sol. Il en découle notamment une fragilisation du réseau routier lorsque celui-ci circule le long des rivières, de même que la réduction de la qualité de l'eau comme c'est souvent le cas. Les ravages de l'agrile constituent donc un défi de taille pour les municipalités, certains fournisseurs de services publics de même que pour le public. En effet, pour des raisons budgétai res, il n'est pas envisageable de traiter tous les frênes atteints de sorte que des arbres fortement malades situés  à proximité des habitations, des commerces et autres espaces publics doivent être coupés pour des enjeux de sécurité. Certaines estimations portent à 2 milliards de dollars répartis sur une période de 30 ans le coût des traitements, d'enlèvement et de remplacement des arbres affectés par l'agrile du frêne dans les municipalités canadiennes1.

LUTTE ET ADAPTATION

Afin de s'adapter à cette nouvelle réalité, plusieurs stratégies ont été développées dont l'injection d'insecticides systémiques tels que le TreeAzin. Des recherches et des tests se déroulent actuellement afin de lutter efficacement contre ce ravageur en utilisant des agents pathogènes tels des champignons ou des guêpes qui pondent leurs œufs dans les larves d'agrile du frêne4. Toutefois, comme l'infestation est en cours et que les impacts négatifs très concrets sont déjà constatés, plusieurs acteurs ont mis en œuvre des stratégies d'adaptation qui transforment cette problématique en opportunité. Les lignes qui suivent présentent deux exemples concrets et complémentaires illustrant cette volonté de prendre de front cette problématique.

PARC DE LA RIVIÈRE SAINT-CHARLES À VARENNES

En 2015, la Ville de Varennes a fait preuve de leadership en octroyant un mandat à T2 Environnement pour développer une approche d'intervention afin de gérer les impacts de l'infestation par l'agrile du frêne dans ses derniers îlots forestiers publics. Par le fait même, la Ville profite de l'occasion pour consolider certaines activités récréatives compatibles avec la vocation de conser vation du parc. L'approche d'intervention développée n'empêchera pas la modification profonde des écosystèmes forestiers en place, mais permettra de s'y préparer et ouvre la voie à une redéfinition de l'aménagement de ce parc afin de bonifier l'offre aux visiteurs. Au total, 17 approches d'intervention réparties en six catégories sont proposées : communication, contrôle des espèces envahissantes, aménagements écosystémiques, aménagement faunique, drainage et activités récréatives5. Plusieurs d'entre elles seront déployées dès 2016. Des plantations ciblées en fonction de la dynamique de chaque écosystème seront notamment réalisées. Les semis d'arbres et arbustes déjà en place seront protégés et valorisés et les espèces envahissantes seront contrôlées. D'autres aménagements viseront à augmenter l'esthétisme et la fonctionnalité du parc en créant des espaces d'interprétation et de repos de même qu'en bonifiant les accès.
 
RECHERCHE APPLIQUÉE
 
Hydro-Québec collabore avec l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et T2 Environnement, dans le cadre d'un projet de recherche, afin de développer des stratégies de foresterie urbaine permettant d'harmo niser ses objectifs de dégagement de réseau avec ceux du verdissement des municipalités. Un des moyens déployés pour s'arrimer avec les municipalités est de réaliser des bancs d'essais conjoints de remplacement des frênes situés dans les emprises de distribution d'électricité en milieu urbain. Un premier banc d'essai est en cours de montage à Québec et d'autres villes ou arrondissements emboîteront le pas en 2016.  La Ville développe une stratégie de rempla cement des frênes en prévision de l'arri vée inévitable de l'agrile. En quelques mots, cette stratégie permettra :
  • d'optimiser la sélection et le déploiement des arbres qui seront plantés en remplacement des frênes;
  • d'évaluer l'impact des solutions de rempla cement des frênes sur les paysages urbains et sur la perception du public;
  • d'échelonner les dépenses associées à la gestion de l'infestation de l'agrile du frêne par la coupe préventive des frênes et leur remplacement.



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RÉFÉRENCES :
  1. http://www.rncan.gc.ca/forets/feux-insectesperturbations/principaux-insectes/13378, consulté le 2016/01/14
  2. http://www.inspection.gc.ca/vegetaux/phytoravageursespeces-envahissantes/insectes/agrile-dufrene/faq/fra/1337355937903/1337356019017, consulté le 2016/01/15
  3. Marie-Josée Coupal, B.Sc.A., M.Urb., Conseillère en environnement, Division de la foresterie urbaine et de l'horticulture au Service de l'environnement à la ville de Québec. Communication personnelle, 2015/10/05.
  4. http://ici.radio-canada.ca/regions/ottawa/2015/04/22/005agrile-frene-perdue.shtml, consulté le 2016/01/14
  5. T2 Environnement. 2015. Approche d'intervention associée aux ravages de l'agrile du frêne dans le parc de la rivière SaintCharles, Ville de Varennes. Rapport réalisé pour la Ville de Varennes. 31 p. et annexes.
  6. Gervais Pellerin, Conseiller recherche scientifique, Ressources Forestières, Hydro-Québec Distribution, communication personnelle, 2016/01/08.

Photos ajoutées par chevreuil.net

Agrile du frêne
Dessin représentatif de l'agrile du frêne.

« Le transport du bois de chauffage constitue un des modes de propagation qui a permis à l'insecte de se répandre sur de grandes distances en peu de temps et d'être présent dans plusieurs régions du Québec dont la Montérégie, Montréal, Laval et en Outaouais. »

By Forest Service, USDA - http://www.na.fs.fed.us/spfo/eab/img/img.htm, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13501

By Forest Service, USDA - http://www.na.fs.fed.us/spfo/eab/img/img.htm, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13505


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