Il y aura des choix à faire Le Quotidien 10 janvier 2014 Claude Villeneuve
l y a 40 ans, le cerf de Virginie était une espèce rare dans la région. On en trouvait uniquement au sud du lac Kénogami. Leur présence était si surprenante qu'on supposait que ces animaux étaient des échappés d'élevage.
En effet, il n'y en avait ni au Lac-Saint-Jean, ni dans Charlevoix. Aujourd'hui, il y a en partout dans la région, et j'en ai vu même à 100 kilomètres au nord de Mistassini. Qu'est-ce qui explique cette expansion d'aire ?
Sans doute y a-t-il plusieurs facteurs, mais celui qui est déterminant, c'est que les hivers sont aujourd'hui moins froids, malgré les hauts cris des médias quand le mercure descend sous les -20 degrés Celsius.
Survie
Le cerf de Virginie, contrairement à l'orignal, a des pattes relativement courtes et par rapport au caribou, son sabot est fin. Il s'enfonce donc dans la neige et doit déployer d'importants efforts et doit manger beaucoup pour entretenir ses ravages. C'est pourquoi les petits groupes survivent difficilement. Ils sont très vulnérables aux prédateurs qui les forcent à sortir des sentiers battus et les épuisent dans la neige. Le froid intense n'arrange rien en terme de besoins alimentaires. Donc, durant un hiver froid et neigeux, la mortalité est très forte pour le cerf de Virginie alors qu'elle affecte moins l'orignal et très peu le caribou. Avec le réchauffement des hivers, les cerfs de Virginie ont conquis dans la région un immense territoire en progressant de 200 kilomètres vers le nord.
Cela ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin, puisque les prédictions des simulateurs climatiques pour le nord du Québec indiquent que les hivers seront de moins en moins froids dans les prochaines décennies.
Cette migration en contexte de changements climatiques n'est pas nouvelle, ni unique. C'est de cette manière que le caribou, qui occupait autrefois le sud de la masse glaciaire qui recouvrait l'Amérique du Nord et l'Europe, a remonté vers le nord à mesure que fondaient les glaciers. Il a été remplacé sur son ancien territoire par l'orignal, puis par le cerf de Virginie.
Ce qui est inquiétant dans l'état actuel des choses, c'est que les deux espèces peuvent se retrouver sur le même territoire, dans le domaine du caribou forestier. Partout où cela s'est produit, comme dans le Maine et au Nouveau-Brunswick, le caribou a disparu.
Que faire?
Que doivent faire nos gestionnaires de la faune et de la forêt pour éviter cette situation ? Doit-on protéger une population rare et en déclin sur son territoire résiduel dans un contexte où son environnement devient plus hostile ? C'est la voie que semble prendre le plan de rétablissement du caribou forestier, qui vise à restreindre les opérations forestières dans les aires de répartition des caribous. Mais cela sera-t-il suffisant, ou même le moindrement efficace, si on ne gère pas aussi la progression des populations de cerf de Virginie ? Et comment pourrait-on arrêter cette progression ? En favorisant une chasse de déprédation ? Les densités qu'on retrouve au nord sont totalement insuffisantes pour rendre la chasse sportive intéressante. Il faudra donc payer très cher pour des résultats incertains.
Faut-il laisser faire les choses ? Mais alors, pourquoi restreindre l'exploitation forestière ? Faut-il s'occuper des populations de caribous du nord et créer des habitats favorables au caribou forestier plus au nord en y plantant des épinettes noires et des pins gris pour favoriser, dans 30 ou 40 ans, l'établissement de nouvelles populations de caribous forestiers ?
Ces questions ne trouveront pas de réponses simples. Beaucoup de pays sont confrontés à l'arrivée sur leur territoire d'espèces envahissantes qui vont à terme prendre la place des espèces locales.
Aujourd'hui, on demande à l'industrie forestière de faire des efforts pour la conservation du caribou sans tenir compte de la progression du cerf de Virginie. Ignorer la dynamique des espèces dans un contexte de réchauffement climatique est une très mauvaise idée. La nature ne sera plus la même dans 50 ans. L'adaptation aux changements climatiques nous obligera à des choix déchirants.
Fin de l'écrit!
Pour ma part, je crois que des hivers comme présentement, les chevreuils vont rertourner au sud, est-ce possible?
Daniel
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